Archives de catégorie : Humeur

 

L’Unité des chrétiens au quotidien

par Grégory Roth, Cath.ch

(> Lien vers l’article sur leur site )

Lipp

Le pasteur Jean-Baptiste Lipp et son épouse catholique Dominique (Photo: Grégory Roth

Pasteur réformé, Jean-Baptiste Lipp partage sa vie avec Dominique, son épouse catholique. Pour ce couple “mixte”, l’œcuménisme se vit au quotidien. Ils partagent leur expérience à l’occasion de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, qui a lieu du 18 au 25 janvier 2016.

1987 est une année fondatrice pour Dominique et Jean-Baptiste. Avec la présence d’un pasteur, ils se marient selon le rite catholique à Sierre, paroisse d’enfance de Dominique. La même année, Jean-Baptiste est consacré pasteur à la cathédrale de Lausanne par l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV).

Dépasser sa propre confession

29 ans de mariage et autant d’années pour découvrir la foi de l’autre. “Le pasteur que je suis est capable de croire que l’eucharistie, c’est plus que du pain et du vin”, révèle Jean-Baptiste. “Et la catholique que je suis pense que le Christ qui s’offre dans la sainte cène protestante n’est pas si différent du mien”, ajoute Dominique.

Bien que prononcées sur un ton joueur, leurs réponses témoignent d’une véritable volonté de chacun à dépasser sa propre confession pour rencontrer celle de l’autre. “Si les Eglises ont pris la coresponsabilité de nous marier, elles ne peuvent pas nous laisser communier chacun de son côté”, explique Jean-Baptiste, aujourd’hui pasteur de la paroisse de Belmont-Lutry, sur les hauteurs de Lausanne.

“On ne met pas sa foi en danger”

Avoir un lieu de partage où les couples “mixtes” peuvent se construire, c’est vital, selon Jean-Baptiste et Dominique, fondateurs du groupe des foyers mixtes à Fribourg. Malheureusement, les propositions de cheminement manquent. “Je peux comprendre que les Eglises ne veulent pas accompagner des personnes qui risquent de quitter leur paroisse pour celle du conjoint”, déplore cette professeure de piano au Conservatoire de Fribourg. “Par conséquent, il arrive que les couples mixtes se retrouvent isolés et quittent toute pratique religieuse, renchérit le pasteur, mais bien souvent, c’est le moins pratiquant qui finit par suivre le plus convaincu”.

Pour la famille Lipp, c’est le fait de maintenir cette altérité de confession qui enrichit le couple. “On peut mettre des mots sur nos différences de croire, on a les outils pour en parler et on ne met pas sa foi en danger”, explique la Valaisanne. Pour elle, il est plus facile de se comprendre au sein d’un couple “mixte”, que lorsqu’un des deux n’a pas la foi.

Comme deux pans du Cervin

Permettre une éducation chrétienne “bilingue” – catholique et protestante – à leurs enfants, c’est un but que les parents se sont fixés. Les trois enfants, aujourd’hui adultes, ont suivi un double parcours de catéchèse, comme “deux pans du Cervin”. Baptisés dans l’Eglise réformée, ils ont suivi le programme catholique de préparation à la première communion. “Nous voulions que l’hospitalité eucharistique, dont nous bénéficions à chaque messe, soit aussi possible pour nos enfants, moyennement une initiation à la foi eucharistique, telle que l’enseigne et la vit l’Eglise de leur maman”, se souvient Jean-Baptiste.

Engagé dans l’Association des Foyers interconfessionnels de Suisse (AFI-CH), le couple a été soutenu par la bienveillance de plusieurs prêtres qui, reconnaissant une “démarche prophétique” dans leurs activités, ont permis à leurs enfants baptisés protestants d’être intégrés à l’eucharistie. Un traitement de faveur qui est loin de faire l’unanimité.

Après 30 ans d’engagement dans l’œcuménisme familial, Dominique et Jean-Baptiste reconnaissent un essoufflement dans le mouvement: les couples interconfessionnels en général ne semblent plus être pris compte en tant que tels par les Eglises et la plupart ne montrent pas d’intérêt pour leur “mixité”. De même, la réflexion sur une éventuelle double appartenance pour les enfants de foyers mixtes a été abandonnée. Néanmoins, ils sont persuadés que chaque couple interconfessionnel et pratiquant reste une interpellation d’altérité pour toutes les Eglises chrétiennes et “pose une pierre à l’édifice de l’œcuménisme”.

“Retournez la Parole”

L’œcuménisme se travaille également dans l’interprétation de la Bible. Retournez la Parole, c’est le titre du livre de Jean-Baptiste Lipp, publié en 2015 au Editions Ouverture, sous forme d’une compilation de commentaires d’Evangile qu’il a écrit pour l’Echo Magazine entre 2005 et 2011. Premier réformé à être engagé par l’hebdomadaire pour commenter la Parole de Dieu, son interprétation œcuménique est originale, à l’exemple de l’appel des disciples par Jésus: Pierre, André, Jacques et Jean deviennent Petrus, Andrej, Johannes et Jack. Représentants les Eglises catholique, orthodoxe, réformée et évangélique, ils sont appelés à la réconciliation. (cath.ch-apic/gr)

Lipp2

Le pasteur Jean-Baptiste Lipp et son épouse catholique Dominique (Photo: Grégory Roth)

L’Evangile à L’Ecran – Semaine de l’Unité

EALE2014visages

La jeune et dynamique équipe oecuménique de l’Evangile à l’Ecran propose, du 18 au 25janvier, un billet quotidien sur le thème retenu pour la semaine de prière pour l’unité des chrétiens 2015 : la Samaritaine (Jean 4).

On peut les suivre ici : www.levangilealecran.com

L’urgence de l’unité

par Marie Larivé

(Etudiante en théologie, membre de léquipe oecuménique de l’Evangile à l’Ecran, son blog “Verso l’Alto” est relayé par le site www.cath.ch)

***

À l’heure des vœux et des résolutions, je crois bien qu’il y a une chose qui me tient à cœur pour cette année et que je veux vous souhaiter et pour laquelle je veux œuvrer en particulier: l’unité.

C’est qu’avec cette grande agora que nous offre internet, où chacune de nos opinions peut être librement exprimée, chaque idée commentée, débattue, déformée, il m’apparaît de plus en plus que le péril qu’est la dissension peut sans relâche s’y abreuver, grâce à nous.

Quel intérêt à la dissection du moindre mot du pape pour en traquer ses défenseurs et ses adversaires? Du moindre mouvement de la garde suisse? À quelle échelle nos guerres de chapelles peuvent-elles bien avoir de l’importance? Comment devenir le levain d’un monde dans lequel nous n’oserions nous fondre de peur de perdre une identité tronquée? Ou d’étioler une foi vacillante?

Dans son exhortation de 1988 sur La vocation et la mission des laïcs dans l’Église et dans le monde, Jean-Paul II écrivait: «Dans [la vie des laïcs] il ne peut y avoir deux vies parallèles: d’un côté qu’on nomme “spirituelle” avec ses valeurs et ses exigences, et de l’autre, la vie “séculière”. Le sarment greffé sur la vigne qui est le Christ donne ses fruits en tout secteur de l’activité et de l’existence». (§59)

À travers ce portrait saisissant de la vocation du laïc – qui parlera sûrement à nombre de clercs aussi d’ailleurs –, c’est donc d’abord à moi que je veux poser la question de l’unité. Persuadée que l’unité commence par moi. Quelle chrétienne serai-je pour le monde? Comment est-ce qu’aujourd’hui, dans mes actions les plus banales et les plus universelles, je vais incarner mon «spirituel» au sein de mon «séculier»? En quoi mon commentaire sera celui qui s’engage résolument vers l’unité?

En prenant conscience que nous sommes déjà chacun levain du monde, voilà que nous trouvons de quoi construire l’unité, cette unité qui commence chez moi comme la paix que je véhicule à travers chacun de mes gestes et chacune de mes paroles. Arme imparable contre la barbarie et le fanatisme qui déjà prennent leurs quartiers en ce début d’année, c’est cette unité qui nous force à abandonner les batailles idéologiques, à dialoguer avec confiance et à combattre pour le Royaume de notre prochain.

Délivrés de la tentation communautariste, voilà que nous pourrons embrasser librement et joyeusement le monde qui nous entoure pour témoigner du Christ.

Et puis, au pire, il reste toujours ce sage adage: «Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence alors tais-toi.»

Marie Larivé

L’AFI-CH s’affiche dans “Paroisses Vivantes”

En ce mois de janvier, notre association s’est affichée de la plus belle des manières dans la totalité des paroisses catholiques de Suisse Romande, via le “Dossier” des bulletins paroissiaux “Paroisses Vivantes”.

Nos deux aumôniers, Jean-Baptiste Lipp et Vincent Lafargue, ont même eu droit à deux pages d’interview.

Les 10 pages de ce dossier, remarquables d’actualité et de rigueur, sont à lire ici :

Dossier Paroisses Vivantes janvier 2015

Un grand MERCI à toute l’équipe pour ce beau document !

A Dieu cher David…

David Krähenbühl nous avait rejoint, au comité de l’AFI-CH, avec son épouse Véronia en juin dernier.

Quelle joie nous avons eue à connaître ce couple engagé, fervent, à côtoyer ces deux disciples de l’unité !

Il faut croire que Dieu avait besoin de David là-haut, d’où il continuera – nous en sommes certains – à veiller sur notre association et sur l’unité des Chrétiens comme il veillera tendrement sur Véronia.

A elle et à tous les proches et amis de David, toute notre sympathie.

Le Comité de l’AFI-CH

deces-fleur

 L’oecuménisme change d’évêque !

denis-theurillat_large

Photo DR : Mgr Denis Theurillat, (c) Conférence des Evêques Suisses
Brève bio (tirée du site de la CES) : Né à Epauvilliers, dans le Jura, le 21 septembre 1950, Denis Theurillat fait ses études au collège de St-Maurice puis à l’Université de Fribourg, où il obtient une licence en théologie en 1975. Il est ordonné prêtre l’année suivante et nommé vicaire successivement à Bassecourt (1976-1980) et St-Imier (1980-1983). Curé de la paroisse de Malleray-Bévilard de 1985 à 1997, il est nommé vicaire épiscopal pour la partie francophone du diocèse de Bâle en 1997. Désigné évêque auxiliaire de Bâle le 17 avril 2000, il reçoit la consécration épiscopale par Mgr Kurt Koch le 22 juin 2000. Il est membre du présidium de la CES depuis 2011.

Un nouvel évêque pour les foyers mixtes

Depuis ce printemps 2014, Mgr Denis – comme l’appellent familièrement ses proches – est l’évêque délégué au dialogue oecuménique, remplaçant à cette charge Mgr Charles Morerod que le comité de l’AFI-CH avait rencontré l’automne dernier.
L’AFI-CH se réjouit de cette nomination : jovial et ouvert, Mgr Theurillat saura poursuivre le dialogue, nous en sommes certains, et nous faire avancer sur le chemin de l’unité.
Nous souhaitons à notre nouvel interlocuteur beaucoup de coeur à l’ouvrage, et nous espérons le rencontrer bientôt pour continuer ensemble le chemin, à la suite de celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14,6).
Pour l’AFI-CH : Abbé Vincent Lafargue
icôneTout le bruit de ma vie
et tout l’acier des mots
sur la meule du cœur
s’éloignent
et le Nom
que je ne sais nommer
me nomme…
Le mort sortit
enveloppé de bandelettes
Olivier Clément

***

Cette année 2014,

par la grâce de Dieu,

à qui sont soumis les temps et les moments,

tous les Chrétiens fêtent Pâques en même temps.

Ce qui ne veut pas dire encore,

ENSEMBLE !

Notre espérance demeure

et la lumière de la Résurrection brille en nous

comme dans des vases d’argile.

Nous vous souhaitons des fêtes pascales pleines

de joie, de lumière et de confiance dans la puissance du Ressuscité.

Noël et Monique Ruffieux

 

Verre d’eau ou cocktail ?

UNE CONTRIBUTION “SHAKER” AU DIALOGUE OECUMÉNIQUE

Il y a l’oecuménisme de (grand)-papa, dont on dit qu’il traverse un hiver glacial, et l’oecuménisme des jeunes d’aujourd’hui, dont j’aime à rappeler la vitalité.

Le premier ressemble à un banal verre d’eau, le second à un étonnant cocktail de fruits.

Je m’explique. Lors du premier mouvement de l’oecuménisme, celui dans lequel s’inscrivent la plupart des initiatives prises pendant le XXe siècle, notamment depuis les années 70, on cherchait l’unité par un mouvement qui faisait disparaître les différences. Comme une équipes de scientifiques rechercherait l’eau pure, l’absolue transparence, la totale absence de goût parasite, les Eglises ont gommé tour à tour toutes leurs spécificités pour se fondre de manière toujours plus parfaite les unes dans les autres.

C’est l’époque où l’on a “épuré” tous nos rituels oecuméniques : il ne fallait pas dire tel ou tel mot, cela offenserait les catholiques, il ne fallait pas faire tel ou tel geste, tel ou tel signe, éviter tel ou tel objet, cela choquerait à coup sûr les frères et soeurs de la Réforme. Il fallait célébrer, bien évidemment, en blanc et sans aucun autre signe distinctif.

Nous sommes au XXIe siècle, n’en déplaise à certains. Et la théorie du verre d’eau a du plomb dans l’aile. Nous savons aujourd’hui que le mouvement oecuménique se nourrit des différences de l’autre et qu’il gagne à ne pas les gommer, mais au contraire à les connaître, à les découvrir, à se laisser interroger par elles, à les admirer. Cela me fait penser à un cocktail multicolore. Ces ensembles fruités que l’on nous fait goûter en nous mettant au défi de retrouver tous les ingrédients qui ont formé ce bel ensemble, cette belle unité de goûts si différents, au départ.

Une célébration oecuménique, aujourd’hui, peut être présidée par un prêtre à étole colorée, par un pasteur en robe noire. On peut faire un signe de croix au début, un geste de bénédiction à la fin, y écouter une véritable prédication réformée, y inclure une prière d’illumination, et se laisser rejoindre par tant d’autres de nos spécificités.

Il me semble tellement plus intéressant de goûter à tous ces fruits avec la jubilation des bons vivants qui savourent les différences, plutôt que d’avaler un verre d’eau avec l’air un peu pincé et la tête penchée de celles et ceux qui semblent nous dire “c’est bien mais ce n’est pas encore ça”…

En somme, dans le verset-phare de l’oecuménisme “Que tous soient un” (Jean 17,21a), à force d’accentuer le mot “un”, on a fini par oublier peu à peu le mot “tous”…

Alors à nos cocktails ! Et n’oublions pas de secouer un peu, ça mélange…

Abbé Vincent Lafargue

Rome si loin, Sion si proche

C’était lors d’un week-end de notre Comité de l’Association des Familles Interconfessionnelles de Suisse à Montana, les 24 et 25 janvier. En plus de nos travaux, nous avions prévu une participation active à la messe samedi soir et au culte dimanche matin. Ce même week-end de clôture de la Semaine de Prière pour l’Unité des chrétiens, le pape Benoît XVI annonce la levée des excommunications des quatre évêques intégristes. Je m’entends encore avoir cette réaction, à froid, dans la sacristie de l’église, avec l’un de mes confrères catholiques : « Seul point positif, à mes yeux, les familles divisées entre intégristes et conciliaires pourront peut-être à nouveau communier ensemble, notamment en Valais.» De mon côté, une demi heure plus tard, je ne pourrai communier lors de ladite messe, où j’ai prononcé l’homélie. Ma femme ira seule… Qu’on se le dise : il est plus difficile et douloureux de gérer un schisme après 500 ans qu’après 20 ans, quel qu’il soit ! Le temps casse, le temps passe, puis le temps lasse…

Il y a vingt ans, c’est un prêtre de ma belle-famille qui – alors vicaire épiscopal à l’évêché de Sion – a reçu un certain Joseph Ratzinger, porteur de la bulle d’excommunication de Mgr Lefebvre, avec la mission de la lui remettre. Notre cousin prêtre est mort. Ratzinger est devenu pape. Peut-on lui reprocher de vouloir renouer de son vivant ? Pastoralement, certainement pas. Politiquement, juste après les déclarations catastrophiques de Mgr Williamson, certainement. Théologiquement, une question demeure : comment renouer avec des gens qui persistent à refuser les ouvertures de Vatican II en matière d’œcuménisme et de liberté religieuse ? On promet, à Rome, que le Concile est non négociable… Reste aux protestants à savoir qu’ils ne sont pas les seuls à pouvoir éprouver de la colère ! Combien d’évêques, prêtres et fidèles en éprouvent aussi. Que chacun examine si sa colère le poussera, ou non, au lien : dialoguer et dialoguer encore. Et changer ce qu’il peut, chez soi d’abord.

Pasteur Jean-Baptiste Lipp