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L’Unité des chrétiens au quotidien

par Grégory Roth, Cath.ch

(> Lien vers l’article sur leur site )

Lipp

Le pasteur Jean-Baptiste Lipp et son épouse catholique Dominique (Photo: Grégory Roth

Pasteur réformé, Jean-Baptiste Lipp partage sa vie avec Dominique, son épouse catholique. Pour ce couple “mixte”, l’œcuménisme se vit au quotidien. Ils partagent leur expérience à l’occasion de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, qui a lieu du 18 au 25 janvier 2016.

1987 est une année fondatrice pour Dominique et Jean-Baptiste. Avec la présence d’un pasteur, ils se marient selon le rite catholique à Sierre, paroisse d’enfance de Dominique. La même année, Jean-Baptiste est consacré pasteur à la cathédrale de Lausanne par l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV).

Dépasser sa propre confession

29 ans de mariage et autant d’années pour découvrir la foi de l’autre. “Le pasteur que je suis est capable de croire que l’eucharistie, c’est plus que du pain et du vin”, révèle Jean-Baptiste. “Et la catholique que je suis pense que le Christ qui s’offre dans la sainte cène protestante n’est pas si différent du mien”, ajoute Dominique.

Bien que prononcées sur un ton joueur, leurs réponses témoignent d’une véritable volonté de chacun à dépasser sa propre confession pour rencontrer celle de l’autre. “Si les Eglises ont pris la coresponsabilité de nous marier, elles ne peuvent pas nous laisser communier chacun de son côté”, explique Jean-Baptiste, aujourd’hui pasteur de la paroisse de Belmont-Lutry, sur les hauteurs de Lausanne.

“On ne met pas sa foi en danger”

Avoir un lieu de partage où les couples “mixtes” peuvent se construire, c’est vital, selon Jean-Baptiste et Dominique, fondateurs du groupe des foyers mixtes à Fribourg. Malheureusement, les propositions de cheminement manquent. “Je peux comprendre que les Eglises ne veulent pas accompagner des personnes qui risquent de quitter leur paroisse pour celle du conjoint”, déplore cette professeure de piano au Conservatoire de Fribourg. “Par conséquent, il arrive que les couples mixtes se retrouvent isolés et quittent toute pratique religieuse, renchérit le pasteur, mais bien souvent, c’est le moins pratiquant qui finit par suivre le plus convaincu”.

Pour la famille Lipp, c’est le fait de maintenir cette altérité de confession qui enrichit le couple. “On peut mettre des mots sur nos différences de croire, on a les outils pour en parler et on ne met pas sa foi en danger”, explique la Valaisanne. Pour elle, il est plus facile de se comprendre au sein d’un couple “mixte”, que lorsqu’un des deux n’a pas la foi.

Comme deux pans du Cervin

Permettre une éducation chrétienne “bilingue” – catholique et protestante – à leurs enfants, c’est un but que les parents se sont fixés. Les trois enfants, aujourd’hui adultes, ont suivi un double parcours de catéchèse, comme “deux pans du Cervin”. Baptisés dans l’Eglise réformée, ils ont suivi le programme catholique de préparation à la première communion. “Nous voulions que l’hospitalité eucharistique, dont nous bénéficions à chaque messe, soit aussi possible pour nos enfants, moyennement une initiation à la foi eucharistique, telle que l’enseigne et la vit l’Eglise de leur maman”, se souvient Jean-Baptiste.

Engagé dans l’Association des Foyers interconfessionnels de Suisse (AFI-CH), le couple a été soutenu par la bienveillance de plusieurs prêtres qui, reconnaissant une “démarche prophétique” dans leurs activités, ont permis à leurs enfants baptisés protestants d’être intégrés à l’eucharistie. Un traitement de faveur qui est loin de faire l’unanimité.

Après 30 ans d’engagement dans l’œcuménisme familial, Dominique et Jean-Baptiste reconnaissent un essoufflement dans le mouvement: les couples interconfessionnels en général ne semblent plus être pris compte en tant que tels par les Eglises et la plupart ne montrent pas d’intérêt pour leur “mixité”. De même, la réflexion sur une éventuelle double appartenance pour les enfants de foyers mixtes a été abandonnée. Néanmoins, ils sont persuadés que chaque couple interconfessionnel et pratiquant reste une interpellation d’altérité pour toutes les Eglises chrétiennes et “pose une pierre à l’édifice de l’œcuménisme”.

“Retournez la Parole”

L’œcuménisme se travaille également dans l’interprétation de la Bible. Retournez la Parole, c’est le titre du livre de Jean-Baptiste Lipp, publié en 2015 au Editions Ouverture, sous forme d’une compilation de commentaires d’Evangile qu’il a écrit pour l’Echo Magazine entre 2005 et 2011. Premier réformé à être engagé par l’hebdomadaire pour commenter la Parole de Dieu, son interprétation œcuménique est originale, à l’exemple de l’appel des disciples par Jésus: Pierre, André, Jacques et Jean deviennent Petrus, Andrej, Johannes et Jack. Représentants les Eglises catholique, orthodoxe, réformée et évangélique, ils sont appelés à la réconciliation. (cath.ch-apic/gr)

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Le pasteur Jean-Baptiste Lipp et son épouse catholique Dominique (Photo: Grégory Roth)

Retournez la Parole !

C’est le titre du livre que vient de publier notre aumônier Jean-Baptiste LIPP, un livre savoureux fait de ses chroniques bibliques publiées dans l’ECHO Magazine pendant de nombreuses années, annotées et mises à jour pour certaines.

A découvrir ! (Bulletin de commande :Jean-Baptiste_Lipp_encart_A5_2015)

Livre JB Lipp

Calice au pays des merveilles…

Prédication à deux voix prononcée pour l’Assemblée Générale 2015 de l’AFI-CH

par les deux aumôniers : le pasteur Jean-Baptiste LIPP et l’abbé Vincent LAFARGUE

Textes du 4e dimanche de Carême, année B : 

2Chroniques 36,14-16.19-23 / Psaume 136 / Ephésiens 2,4-10 / Jean 3,14-21

Vous pouvez ECOUTER l’homélie en la lisant : cliquez à gauche du compteur ci-dessous :

  • Bien cher Vincent, j’aimerais à mon tour te remercier pour cette invitation à prêcher la parole de Dieu à deux voix dans cette église – l’une des églises de mon St Patron puisque tu l’as évoqué – ce d’autant qu’avec mon épouse nous avons passé quelques jours, chez toi à la cure, fin décembre, lorsque la neige a bien voulu revenir pour annoncer l’hiver. Se retrouver ici devant cette assemblée me réjouit beaucoup ! Je suis très impressionné, je dois le dire, par le nombre de clochers que votre Curé du Val d’Hérens doit desservir ! 20, si je suis bien réformé, euh informé, je voulais dire !

  • Oui, tu es bien réformé et bien informé ! C’est vrai, j’ai 20 clochers, mais tu sais, ce n’est pas tellement cela l’important. Tu vois ces visages, souriants, croyants, des visages de foi… sans eux ça n’aurait aucun sens. C’est pour eux que je fais cela et que j’ai la joie de le faire. Et puis, bien sûr, quand je parcours les routes du Val d’Hérens comme ce matin avec toi pour revenir d’Hérémence, il y a les montagnes ! Et les montagnes, c’est aussi ma joie, surtout celles d’ici…

  • Ah les montagnes, comme je te comprends ! J’essaie – mais ça va être un petit peu long – d’apprendre les montagnes que l’on voit d’ici. Evidemment la Dent d’Hérens, la Grande Dent, la Petite Dent, Dent de Péroc, Aiguille de la Tza, j’en passe et des meilleures, vous les connaissez mieux que moi bien sûr !

  • Et la Dent Blanche, évidemment !

  • J’avais oublié l’essentielle ! Elle est la plus belle et on la voyait depuis notre fenêtre ce matin ! Ces montagnes… je les trouve imposantes, où que j’aille, en Valais ou ailleurs, et je ne peux pas, lorsque je les regarde, ne pas penser à ce Psaume dit « des montées » justement, un psaume de pèlerinage : « quand je lève les yeux vers les montagnes, d’où me viendra le secours… » (Psaume 120 ou 121). C’est vrai, ici ou ailleurs, je sens que les sommets symbolisent tout à la fois une beauté, une chance mais aussi une menace.

  • Oui, tu sens bien le contexte de vie de nos villages. La montagne peut être une menace, elle nous le rappelle parfois, elle nous a pris des êtres chers. La montagne est aussi une chance, elle nous donne bien de ses trésors. La nature ici garde tous ses droits, comme dans le Psaume. Et il y a un vrai paradoxe pour les gens qui vivent entourés de montagnes : en levant les yeux, on peut être saisi par la peur, suivant quand, et aussi être saisi par l’admiration, l’élan vers les hauteurs. C’est peut-être ça qu’on appelle la crainte. Dans la Bible, la crainte ce n’est pas la peur, c’est le respect. Et c’est peut-être cette crainte biblique que l’on ressent face aux montagnes, ici comme ailleurs.

  • Tu relies bien cette crainte biblique et certainement humaine ici, qui mêle à la fois l’admiration et la peur. L’un n’empêche pas l’autre, en effet. Je vais te dire que chez moi, c’est un petit peu la même chose… mais avec le Lac. Le Léman m’attire et me repousse à la fois. D’ailleurs, dans bien des récits d’Evangile, les plus grosses peurs des disciples de Jésus se passent sur un bateau, justement, lorsque les eaux sont déchaînées… Et quand je suis moi-même sur l’eau, par exemple avec le petit bateau de mon père, et qu’il y a un jour de gros temps et que les feux se mettent à tourner, je prie avec les mots du Psalmiste « Je lève les yeux vers les montagnes – puisqu’il y en a aussi au-dessus du Léman – d’où me viendra le secours ».

  • Tu vois, ça m’est arrivé aussi il n’y a pas très longtemps. Un matin de grosse neige, en revenant d’Hérémence pour célébrer la messe ici, alors que sur la petite route de la Traverchyre ma voiture chassait de l’arrière dans les virages… J’ai levé les yeux vers le ciel en demandant au Seigneur de me protéger, et de me faire un petit signe. Et au moment où j’ai levé les yeux, j’ai vu un hélicoptère d’Air-Glaciers qui faisait le même chemin que moi et qui allait peut-être sauver des gens en montagne. C’était peut-être pas un signe, mais c’était peut-être quand même un clin-Dieu…

  • Je crois aussi que ça devait être un clin d’oeil-clin Dieu, et j’aime bien ton exemple ! Mais je réalise aussi que si toi ou d’autres lèvent les yeux pour en recevoir le salut, qu’on peut aussi lever les yeux vers le haut et se laisser malheureusement abattre. Je pense maintenant à ces pauvres exilés de Jérusalem au bord des fleuves de Babylone et dont on a prié un si intense Psaume. Ils restent assis, ils sont tout éplorés, ils ne parviennent même pas à lever les yeux vers les branches des saules auxquelles ils ont suspendu leurs harpes. Quelle tristesse que celle de ces yeux rivés vers le bas et de ces destins tirés vers en bas !

  • Oui, le Psaume d’aujourd’hui le disait très très bien. Quelle tristesse et quelle colère, même. Et ça nous arrive à chacune, chacun d’entre nous de baisser les yeux et d’être triste ou en colère. Alors il nous semble que rien ne peut nous relever. D’ailleurs la colère finale de ce Psaume le dit très bien. Ces exilés-là – et ça nous arrive – sont dans une dynamique de mort, parfois. Ça me fait penser à notre deuxième lecture, tu sais, ce passage de la lettre aux Ephésiens, où les étrangers aux promesses d’Israël étaient eux aussi comme morts, soumis à d’autres puissances… Ils n’avaient plus confiance, il n’y avait plus de force qui puisse leur venir de l’intérieur !

  • Bien vu, mon confrère curé ! C’est exactement cela qui est décrit dans votre seconde lecture pour ce dimanche. Des hommes et des femmes à bout de batterie. Je dirais même, sans ressort aucun qui permette de se relever. Des morts vivants, quoi. Mais voilà qu’ils sont relevés par la mort victorieuse du Christ, incapables qu’ils étaient de le faire par eux-mêmes ! Ils n’y sont pour rien. C’est cadeau. Un cadeau qu’il suffit, qu’il suffisait ou qu’il suffira, d’accepter…

  • C’est vrai que pour nous relever – peut-être plusieurs d’entre vous en font l’expérience – il suffit parfois d’accueillir la grâce de Dieu, et elle vient gratuitement, elle est cadeau ! Mais il faut la recevoir ! Cela me fait dire que cette lettre aux Ephésiens, tu vois, elle aurait peut-être pu être écrite par Luther ou Calvin, parce qu’il y a cette idée de la grâce gratuite. On n’a rien besoin de faire pour que cette grâce de Dieu nous soit envoyée. Et ça, c’était un peu leur idée. La lettre aux Ephésiens, au fond, c’est une lettre aux effets bien protestants.

  • Vraiment, tu crois ?

  • Oui ! La preuve c’est que les œuvres suivent la grâce. Tu as entendu que ce passage conclut ainsi : « Nous avons été créés en Jésus-Christ pour les œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance, afin que nous nous y engagions. » On dirait presque que tout est préparé d’avance, que toutes nos œuvres sont prédestinées… ça c’est protestant, non ?

  • Je ne vais pas te contredire… Mais tu crois vraiment que cette lettre serait, avec cela, plus protestante que catholique ? Moi pas. Parce que je crois que l’engagement des uns comme des autres, c’est une prière de Dieu à l’homme, de quelque confession qu’il soit. Une prière qui résonne comme ceci : je me suis engagé corps et âme pour vous, je suis descendu pour vous relever, alors comment pouvez-vous ne pas lever les yeux vers moi, comment ne pouvez-vous pas vous engager à votre tour ?

  • Dieu qui nous demande de faire ceci ou de faire cela… tu es très catholique, Jean-Baptiste !

  • Tant mieux ! Et alors, pourquoi pas ? Sur ce point ou d’autres, je me sens assez catholique, « catholique réformé », tant pis… quand il s’agit de dire que Dieu compte sur nous pour continuer pour Lui ce qu’il a commencé en Christ. Et je vais te dire, je serais même assez catholique pour interpréter la passage de l’Évangile selon saint Jean comme un passage des Écritures qui nous invite à la fois à la contemplation et à l’action. Tiens, Jean l’Évangéliste nous invite à faire comme le peuple hébreu autrefois dans le désert. De même que ce peuple devait lever les yeux vers le serpent d’airain au temps de Moïse pour échapper à la mort et aux morsures des serpents, de même, nous devons lever les yeux vers le Christ pour passer ici-bas déjà d’une vie morte à une vie vivante ou échapper aussi à des morsures. Et ça, je vais te dire, et je le dis devant ta paroisse, je trouve que c’est une chose que vous savez quand même faire un peu mieux que nous : d’abord s’arrêter, contempler, adorer, prier les Laudes comme vous l’avez fait ce matin, faire silence quoi, avant de passer à l’action.

  • C’est aussi une caractéristique des montagnards d’ici, tu sais. On s’arrête, on regarde ou on va, avant de partir tête baissée… On regarde le ciel, on prend le temps de confier notre marche à Dieu, et puis on avance. Un temps de prière précède l’action, c’est vrai. D’ailleurs, tu as remarqué en quels termes saint Jean s’adressait à nous : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière… »

  • « Qui fait la vérité ! »…

  • Il fait d’abord, et il vient ensuite à la lumière, « pour que ses œuvres soient manifestées… » II s’agit d’une vérité pratique, les deux pieds bien sur terre ! Ce n’est pas une vaste théorie comme on est en train d’en faire nous – d’ailleurs il faudrait qu’on s’arrête gentiment…

  • Oui…

  • Mais, pour terminer Jean-Baptiste, il me semble qu’en ayant dit tout ça, il me semble quand même que toi et moi, et nos deux Eglises, on communie à la même Foi ! C’est le même Christ qu’on adore, c’est le même Dieu !

  • Mais bien sûr… c’est une Foi en ce Dieu qui nous bénit et que nous pouvons bénir à notre tour. Ou comme le dit un autre passage de la même lettre aux Ephésiens : il y a un seul Seigneur, un seul baptême, une seule Foi… C’est un peu comme on le fait à chaque célébration, à chaque Eucharistie, ou à chaque saint Cène… D’ailleurs à ce propos, mon cher Vincent, je t’ai amené – je vous ai amené – une surprise pour cette messe ici… [sort le calice] Je t’ai – je vous ai – amené le plus vieux calice vaudois, qui se trouve précisément dans ma paroisse ou ma commune de Belmont. Il date du début de XIVème siècle. Autrefois utilisé bien sûr pour la messe catholique, il est utilisé depuis le XVIème siècle pour la communion selon le rite protestant. S’il y avait un musée à Belmont comme il y en a un à Evolène, on l’aurait mis au musée, mais il est dans un coffre-fort et je l’en ai fait sortir. Je trouve que ce calice symbolise à la fois une rupture et une continuité. Et aujourd’hui, j’aimerais qu’il nous parle, qu’il nous fasse parler plutôt de continuité et d’unité.

  • C’est donc un calice qui servait à la messe catholique et qui sert aujourd’hui au culte protestant.

  • C’est ça.

  • Eh bien il va servir à l’Eucharistie d’aujourd’hui, tu veux bien ?

  • Oh que je veux !

  • Ce sera ma manière, aussi, de boire à la même coupe que toi, et de te demander PARDON, Jean-Baptiste, pour toutes les fois où notre Eglise catholique a été dure avec nos frères et sœurs protestants, pour toutes les humiliations, les vexations, toutes les erreurs aussi qu’on a commises envers vous. Ce sera ma manière de te demander humblement PARDON.

  • Et comment ne pas penser au nom de mon Eglise et de certains de ses membres ou dirigeants, de te – de vous – demander PARDON aussi pour le nombre de bêtises dites ou redites, ou répétées comme des perroquets, sur les catholiques, ceci-cela, et en les méconnaissant…

    [ils se serrent la main]

  • La miséricorde de Dieu est infinie. Merci Jean-Baptiste !

  • Merci Vincent !

 

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Prédication prononcée le 15 mars 2015 à Hérémence (9.00) puis à Evolène (10.30).

L’AFI-CH s’affiche dans “Paroisses Vivantes”

En ce mois de janvier, notre association s’est affichée de la plus belle des manières dans la totalité des paroisses catholiques de Suisse Romande, via le “Dossier” des bulletins paroissiaux “Paroisses Vivantes”.

Nos deux aumôniers, Jean-Baptiste Lipp et Vincent Lafargue, ont même eu droit à deux pages d’interview.

Les 10 pages de ce dossier, remarquables d’actualité et de rigueur, sont à lire ici :

Dossier Paroisses Vivantes janvier 2015

Un grand MERCI à toute l’équipe pour ce beau document !

Aimer l’Eglise en la vivant

Article paru dans la revue “itinéraire”, déc. 2014.

Jean-Baptiste Lipp s’est marié en 1987 avec Dominique Lehner, pianiste de confession catholique, qui lui donnera trois enfants. La même année, il recevait la consécration pastorale à Lausanne et prenait son premier poste à la paroisse réformée de Fribourg … jusqu’en 2004, année du déménagement de la famille à la cure de Belmont-sur-Lausanne. En marge de son ministère paroissial et ecclésial, le pasteur Lipp s’est engagé en divers lieux de dialogue oecuménique. Aumônier protestant de l’AFI-CH (Association des Foyers Interconfessionnels de Suisse), il est également membre du Groupe des Dombes.

Aimer l’Eglise universelle en la vivant

… et oser un mot magique pour lui reconnaître une belle dimension

Je ne peux plus entendre « L’Eglise »

Quand nous disons « l’Eglise », avec un « E » majuscule, ou plus encore « L’Eglise », précédée d’un « L » majuscule, que disons-nous, à y bien réfléchir ? Il est rare, pour être honnête, que nous nommions une entité plus large que notre propre Eglise. Que nous soyons membres d’une Eglise réformée ou de la catholique-romaine, d’une Eglise orthodoxe ou d’une Eglise de type évangélique, nous aurons cette tendance naturelle à envisager l’Eglise dans les limites de notre confession, notre canton ou notre assemblée… Seulement voilà, il n’en est plus ainsi pour moi, depuis longtemps, et de moins en moins ! Combien de fois n’ai-je pas complété, intérieurement, telle déclaration de l’une de nos autorités parlant de « L’Eglise » en me précisant à moi-même : « évangélique réformée du Canton de Vaud » ! Combien de fois n’ai-je pas complété telle information d’un journaliste de la RTS parlant de « L’Eglise » en complétant intérieurement, et parfois même, en l’articulant à voix haute à côté de ma radio : « catholique-romaine » ! Combien de fois n’ai-je pas rétorqué, à telle personne parlant de « L’Eglise », qu’elle parlait juste de son « assemblée évangélique » ! N’est-pas un peu comme lorsque, pour parler de Johann Sebastian Bach, nous disons Bach tout court, alors qu’il y a, chez les Bach, Wilhelm Friedemann, Karl Philipp Emanuel ou Johann Christian, pour ne nommer que quelques-uns de ses fils, compositeurs eux aussi… ?

L’Eglise au pluriel, bien entendu !

On l’aura compris, j’ai de plus en plus de peine à entendre, de la part de celles et ceux qui utilisent le terme « Eglise » sans autre précision, autre chose qu’une confiscation plus ou moins consciente du  vocable par telle confession ou communauté, même s’il ne s’agit, souvent, que d’une omission ou d’une simplification. Mais que s’est-il donc passé dans mon « ecclésiobiographie » pour que j’en arrive à pareille hypersensibilité ? Une première et forte sensibilisation à l’universalité de l’Eglise m’a été transmise lors d’une retraite pour enfants à Crêt-Bérard. Je découvrais, à 14 ans, l’Eglise-Corps du Christ, à la fois une et bigarrée. Merci à Philippe et Anne Bécholey, piliers spirituels de cette retraite, mais aussi, par la suite, à d’autres pasteurs tel Georges Besse, ou professeurs de théologie, tels Claude Bridel et Klauspeter Blaser ! Ma formation m’avait donc prédisposé à une attitude oecuménique ouverte. Mais le grand tournant fut pris lorsque je décidai, avec une jeune femme valaisanne de confession catholique, d’envisager une vie de couple pastoral et pourtant mixte… En effet, sans que je ne lui demande quoi que ce soit – et de toute manière je n’avais, quant à moi, aucune raison ou intention de le lui demander – Dominique me dit ne pas vouloir changer d’Eglise en devenant femme de pasteur. Et d’ajouter tout simplement ceci : « J’aime mon Eglise ! »

Ciel, elle aime son Eglise, et moi, et moi ?

J’ai été positivement marqué par ce « j’aime mon Eglise »  d’une catholique heureuse de l’être et désireuse de le rester! Cette position allait nous mettre au défi de cheminer au sein de l’une et l’autre Eglise, avec cette disparité évidente, mais à corriger dans la mesure de notre possible, d’un couple mixte dont l’un des deux conjoints est engagé professionnellement dans la sienne et pas l’autre. Nous serions d’autant plus attentifs à ne pas perdre tout contact et toute pratique avec l’Eglise de Dominique, que Jean-Baptiste allait s’engager à fond et à vie dans un ministère pastoral réformé… Trois facteurs ont été aidants : 1. la confiance donnée (non sans discussion serrée, il est vrai) par la commission de consécration de l’EERV ; 2. l’occasion qui s’est présentée à nous de commencer et de développer notre vie de couple à Fribourg, dans un contexte à grande majorité catholique, et avec un conseil paroissial réformé très ouvert à l’idée que l’un de ses pasteurs puisse vivre publiquement la mixité confessionnelle de son couple; 3. enfin, la rencontre du mouvement franco-suisse des foyers mixtes, et l’appel de son fondateur, le Père René Beaupère, à intégrer le comité de la revue Foyers Mixtes. Il est clair, avec le recul, que la vigilance du cheminement oecuménique de notre famille a été garantie par le réseau stimulant de quelques couples désireux, comme nous, de « thématiser » leur mixité confessionnelle, entraînant même un peu nos familles d’origine.

Ce n’est pas juste ma vie privée

Deux dépassements sont à signaler dans notre parcours. Tout d’abord, une interprétation ouverte et non restrictive de la notion du pasteur comme « figure emblématique ». En effet, mon parrain de consécration m’avait bien fait comprendre qu’en qualité de représentant d’une communauté réformée, je ne saurais me rendre à la messe, et encore moins y communier, sans engager la paroisse et l’Eglise dont je serais ministre. Retournant l’argument, après l’avoir bien médité, il m’est apparu de plus en plus clairement que je pourrais – et même que je devrais – en tant que pasteur, « emblématiser » un nombre croissant de foyers mixtes…

L’autre dépassement, dans notre petite  « église domestique », a été celui de ne pas nous contenter de la reconnaissance mutuelle du baptême par nos Eglises, lorsque nos trois enfants ont été baptisés (au temple de Fribourg). A quoi bon se réjouir de ce que le sacrement du baptême soit reconnu, si c’est pour en rester à cette étape de l’initiation chrétienne ? Baptisés dans l’Eglise réformée, admis à la sainte Cène, il nous est apparu avec une évidence grandissante que nos enfants, sans pour autant changer de confession, devraient recevoir une préparation à l’Eucharistie, et pourquoi pas, fêter une première communion du côté catholique. Afin d’être à la maison dans l’une et l’autre Eglise. Et surtout d’y vivre, de l’intérieur, la foi et la pratique dans une différence réconciliable. N’y a-t-il pas lieu de promouvoir une sorte de « bilinguisme confessionnel »? On pourrait parler de dépassement, comme on dépasse une règle. Je préférerais, quant à moi, parler d’une poussée…

Je t’aime… moi non plus ?

Deux réflexions m’ont aidé à vivre ces poussées sur un mode réflexif et non impulsif seulement. La première est celle de Paul Dubosson, fidèle du mouvement des foyers mixtes en Romandie. Lors  d’un week-end, ce paysan-professeur résumait on ne peut mieux notre problématique : « Nous nous aimons, mais nous appartenons à des Eglises qui ne s’aiment pas ! » Développons. Monsieur aime Madame, et Madame aime Monsieur (base requise pour une fidélité conjugale). Monsieur aime son Eglise et Madame aime son Eglise (base requise pour une fidélité ecclésiale). Monsieur en vient à aimer aussi l’Eglise de Madame et Madame l’Eglise de Monsieur (mise en commun des fidélités ecclésiales). Restent les question de savoir 1. si l’Eglise de Monsieur et celle de Madame s’aiment vraiment et 2. si elles comprennent l’amour partagé de Monsieur et de Madame pour leurs deux Eglises comme un avantage ou une menace… En attendant, certains couples mixtes, comme le nôtre, ont appris à aimer l’Eglise universelle au travers de celle de leur conjoint !

Cette catholicité qui nous relie

L’autre réflexion qui m’a guidé dans une pleine conscience de notre commune catholicité est celle, apportée par le professeur Gottfried Hammann, lors d’une conférence donnée à Fribourg, alors que je débutais dans le ministère. « Nous devrions tous nous considérer comme catholiques », affirmait déjà celui que, 20 ans plus tard, je côtoierais au Groupe des Dombes. Et l’historien de préciser alors, que si certains sont catholiques-romains ou catholiques-chrétiens, il nous faudrait accepter de nous présenter comme catholiques-réformés, catholiques-luthériens, catholiques-anglicans, catholiques-orthodoxes, catholiques-évangéliques ou autres encore.  En d’autres termes, la catholicité serait une qualité bien trop importante pour la laisser aux seuls romains…  Serions-nous donc prêts à intégrer ce mot « magique » pour intégrer une dimension qui devrait être tout sauf confessionnelle ou confessionnaliste ? Si j’en crois le tout récent petit livret publié par la FEPS à l’occasion des 500 ans de la Réforme, oui ! En effet, parmi les « 40 thèmes pour cheminer », le quatrième est carrément libellé de la manière qui suit (lire encadré). Encourageant, non ?

Encadré

L’Eglise protestante est-elle aussi catholique ? Les protestants se définissent souvent pas opposition au catholicisme, mais cette manière « d’exister contre » n’est plus pertinente. Et le protestantisme s’est construit sur le modèle national, mais la mondialisation est une réalité. Et d’ailleurs, si « catholique » signifie à la fois « continuité de la foi que toutes les ruptures n’ont pas détruite » et englobement de tous les peuples, comment notre Eglise peut-elle être témoin avec d’autres Eglises de la dimension universelle de l’Evangile ? Par rapport à la catholicité de notre Eglise, que voulons-nous affirmer aujourd’hui ? (Quelques références bibliques pour réfléchir : Esaïe 56, 1-7 ; Luc 10, 1-11 ; Ephésiens 2, 11-22). Lire aussi www.ref-500.ch

Le rapport de la CDPC sur le Baptême

Les deux aumôniers de l’AFI-CH, le pasteur Jean-Baptiste LIPP et l’abbé Vincent LAFARGUE, participent à la Commission de Dialogue Protestants-Catholiques (CDPC), cercle d’experts mandaté bilatéralement par la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse (FEPS) et la Conférence des Evêques de Suisse (CES) pour plancher sur divers sujets sensibles de l’oecuménisme.

La commission a travaillé dernièrement sur le baptême, notamment sur sa reconnaissance mutuelle par nos Eglises en Suisse.

Après plusieurs années de travail, voici l’intéressant rapport qui vient d’être publié :

Rapport CDPC sur le Baptême

Bonne lecture ! Et surtout, plaise à Dieu qu’il serve, ce rapport !

AFI-CH

Aumôniers et enseignants

JBL Givisiez

Photo DR : Jean-Baptiste Lipp devant une partie des futurs agents pastoraux catholiques de Suisse Romande

Le 29 avril dernier, les deux aumôniers de l’AFI-CH – le pasteur Jean-Baptiste Lipp et l’abbé Vincent Lafargue – se sont rendus à la maison des séminaires à Givisiez (FR) pour la première édition d’une formation appelée à se renouveler.

En effet, douloureusement conscients du manque de formation oecuménique des jeunes agents pastoraux – notamment d’une sensibilisation à la question des Foyers Mixtes – nos deux aumôniers ont pris le taureau par les cornes et proposé aux formateurs de prêtres et d’agents pastoraux de venir rencontrer les candidats de dernière année pour un après-midi d’échange.

Un programme varié

Au programme de cet après-midi vécu face à une petite dizaine de futurs engagés catholiques : témoignage de Jean-Baptiste sur son expérience personnelle de Foyer Mixte vécu au quotidien avec son épouse Dominique, témoignage de Vincent sur l’oeucménisme au quotidien possible dans les paroisses, présentation de divers documents – notamment les travaux des diocèses de Sion, de l’abbaye de St Maurice et du diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg en termes d’oecuménisme ces dernières années, discussion autour du tout neuf élargissement de la reconnaissance du baptême en Suisse, petit quiz oecuménique pour terminer dans la bonne humeur.

L’échange qui a terminé l’après-midi fut riche et très encourageant pour une future édition de ce temps de formation qui aura lieu en automne.

Nous appelons de nos voeux l’office protestant de formation à imiter le CIFT catholique et à proposer cette formation pour les futurs pasteurs, diacres et personnes engagées en pastorale.

AFI-CH

 

Trois fois 40 ans, et après ?

Publié dans Bonne Nouvelle, septembre 2013

Dimanche 1er septembre au soir, à la Cathédrale de Lausanne, l’Atelier oecuménique de théologie (AOT) de Genève recevait un label oecuménique suisse à la fin de la grande célébration de la Communauté des Eglises Chrétiennes dans le Canton de Vaud. Depuis 40 ans, cet atelier, animé par des enseignants catholiques et protestants, a formé plus de 1700 personnes ! S’il est au service des communautés chrétiennes, l’AOT veut être aussi au service de celles et ceux qui cherchent à transformer leur errance en itinérance… A quand une formation d’adultes oecuménique dans le Pays de Vaud ? Certains lieux, comme notre Conseil Présence et Solidarité de Lavaux, ont décidé de suivre cette piste, et c’est bien ! Mais ne pourrait-on pas élargir encore?

Il y a 40 ans toujours, au niveau national, les Eglises réformées, catholique-romaine et catholique-chrétienne signaient une reconnaissance mutuelle du baptême. Puisqu’il n’y a qu’un seul baptême (cf Ephésiens 4), plus question de rebaptiser une personne qui changerait de confession. Par le baptême, nécessairement conféré par tel ministre au sein de telle Eglise, le baptisé reçoit une identité d’abord chrétienne ou ecclésiale, et non pas d’abord confessionnelle. Je ne suis donc pas baptisé protestant, mais au sein d’une Eglise protestante. Après la reconnaissance mutuelle du baptême par nos Eglises, beaucoup espéraient qu’une reconnaissance mutuelle de la communion et des ministères suivrait… A quand une permission de communier à la messe, lorsque certains d’entre nous s’y rendent, notamment pour cause de mixité confessionnelle ? Dans les faits, la plupart des prêtres exercent une belle hospitalité eucharistique. Reste hélas ce goût de transgression ou d’exception.

Il y a 40 ans enfin, sur le plan européen, les Eglises réformées et luthériennes signaient la Concorde de Leuenberg, ouvrant officiellement une communion de chaire et d’autel. En clair, il devenait possible de prêcher et de communier les uns chez les autres. C’est ainsi que, dans mon ancienne paroisse réformée de Fribourg, une pasteur luthérienne d’Alsace a pu devenir ma collègue. Pourrait-on imaginer qu’un jour, dans une même paroisse – sinon dans une même Eglise – une pasteur et un prêtre (sans oublier une diacre) pourraient se partager le service de la prédication, des sacrements, de l’accompagnement et du témoignage dans la société ? Dans 400 ans, peut-être… En attendant, 1973 aura donné de très bonnes cuvées oecuméniques !

Pasteur Jean-Baptiste Lipp

Rome si loin, Sion si proche

C’était lors d’un week-end de notre Comité de l’Association des Familles Interconfessionnelles de Suisse à Montana, les 24 et 25 janvier. En plus de nos travaux, nous avions prévu une participation active à la messe samedi soir et au culte dimanche matin. Ce même week-end de clôture de la Semaine de Prière pour l’Unité des chrétiens, le pape Benoît XVI annonce la levée des excommunications des quatre évêques intégristes. Je m’entends encore avoir cette réaction, à froid, dans la sacristie de l’église, avec l’un de mes confrères catholiques : « Seul point positif, à mes yeux, les familles divisées entre intégristes et conciliaires pourront peut-être à nouveau communier ensemble, notamment en Valais.» De mon côté, une demi heure plus tard, je ne pourrai communier lors de ladite messe, où j’ai prononcé l’homélie. Ma femme ira seule… Qu’on se le dise : il est plus difficile et douloureux de gérer un schisme après 500 ans qu’après 20 ans, quel qu’il soit ! Le temps casse, le temps passe, puis le temps lasse…

Il y a vingt ans, c’est un prêtre de ma belle-famille qui – alors vicaire épiscopal à l’évêché de Sion – a reçu un certain Joseph Ratzinger, porteur de la bulle d’excommunication de Mgr Lefebvre, avec la mission de la lui remettre. Notre cousin prêtre est mort. Ratzinger est devenu pape. Peut-on lui reprocher de vouloir renouer de son vivant ? Pastoralement, certainement pas. Politiquement, juste après les déclarations catastrophiques de Mgr Williamson, certainement. Théologiquement, une question demeure : comment renouer avec des gens qui persistent à refuser les ouvertures de Vatican II en matière d’œcuménisme et de liberté religieuse ? On promet, à Rome, que le Concile est non négociable… Reste aux protestants à savoir qu’ils ne sont pas les seuls à pouvoir éprouver de la colère ! Combien d’évêques, prêtres et fidèles en éprouvent aussi. Que chacun examine si sa colère le poussera, ou non, au lien : dialoguer et dialoguer encore. Et changer ce qu’il peut, chez soi d’abord.

Pasteur Jean-Baptiste Lipp

Les diverses tribus de foyers mixtes

(Communication de J.-B.Lipp pour la soirée des animateurs de CPM genevois

le 29 mai 2008 à la chapelle de Cointrin)

Henri Tincq vient de sortir un livre consacré à la planète des catholiques, où il répertorie sept tribus distinctes (traditionalistes, fantassins, charismatiques, silencieux, engagés, observateurs, progressistes, …). Si le catholicisme est une planète, s’il est un, il faut essayer de l’interpréter dans sa diversité. Toute typologie a ses limites, mais elle permet de comprendre un peu mieux de quoi on parle quand on parle d’un groupe.

Ce qui est vrai de la grande planète des catholiques l’est  également de la « nébuleuse protestante » (comme l’appellent quelques bons observateurs catholiques, comme le jésuite Albert Longchamp). Et à plus forte raison de l’espace interstellaire que nous représentons ici : les foyers mixtes ! De quel catholicisme et de quel protestantisme sont les membres d’un couple confessionnellement mixte ? Mais c’est quoi, au fond un foyer mixte ?

Dit autrement, est-ce bien clair, quand on parle de foyer mixte, qu’il s’agit de foyer mixte d’un point de vue confessionnel (catholique-réformé, orthodoxe-réformé, anglican-catholique, catholique-chrétien – luthérien, …) ? Est-ce qu’il n’y a pas, quand on parle de foyer mixte, l’idée que ce peut être un couple isalmo-chrétien ou boudhiste-chrétien ? Qu’est-ce donc aujourd’hui qu’un foyer mixte ? Et au fond, n’est-ce pas un pléonasme de parler d’un foyer mixte ? Car dans tous les couples, il y a une mixité, une mixité qui exprime une altérité propre à tout couple : déjà homme-femme (en principe), culturelle, sociale, générationnelle, etc…

Quand on dit foyer mixte, il n’est plus certain que l’on indique quelque chose de pertinent ! C’est pour cette raison que, depuis 2003 (2ème Rassemblement mondial à Rome), les foyers mixtes francophones se sont mis à parler d’eux-mêmes en termes de familles inter-confessionnelles. Cette nouvelle appellation a étonné votre formateur Jean-Daniel Robert, qui se demandait pourquoi le nom avait changé. Effet  de mode ? Rejet du Père ? Rejet du Père Beaupère, fondateur de la pastorale auprès des foyers mixtes français et suisses et directeur de la revue du même nom ? Non, certainement pas !

La preuve : si un couple adhère à l’AFI-CH, il reçoit d’office la revue FM à laquelle il n’a pas le choix de ne pas cotiser ! Si le nom a changé après le 2ème Rassemblement international à Rome, après 40 ans, c’est pour des raisons de typologie, justement. Pour des raisons de typologie et aussi de réflexion sur notre vocabulaire. Savez-vous comment on dit foyer mixte en latin (langue officielle sur la planète des catholiques)? Matrimonia mixta ! Mais en allemand, on ne dit pas Gemischte Ehe (car ce terme aurait un relent de nazisme). En anglais, on ne dit pas Mixt marriage (car ce serait une réduction sociologique). En allemand, il est question, selon le point de vue, de Konfessionsverschiedene Familien, ou de Konfessionsverbindende Familien. En anglais, Inter-church families.

Et voilà que par le biais des langues étrangères, nous, les foyers mixtes de Lyon ou de Lausanne, de Paris ou de Sion, avons été invités à revisiter notre appellation. Car derrière un nom se cache quelque chose d’une identité ! Quelle identité ? Revenons à la typologie évoquée au départ : sur la planète des catholiques, 7 tribus, dans la nébuleuse protestante, une infinité de sous-groupes (chaque ministère pourrait être un magistère). Alors à plus forte raison un couple entre un ressortissant de l’une des 7 tribus d’Henri Tincq et un ressortissant de la nébuleuse protestante. Mais pour faire bref, il y a quelques modèles assez typés dans l’espace interstellaire toujours plus habité des foyers mixtes :

– les sociologiques

– les sceptiques qui ont un alibi

– ceux qui simplifient en allant d’un côté seulement selon un critère : la mère, la majorité du lieu, la minorité comme défi, le contact avec un ministre (paroissiens de type « chien », le contact avec une paroisse (paroissiens de type « chat »)

– les souples, qui sont prêts à changer selon leurs envies ou les contingences

– les militants, qui ont reçu comme une vocation de vivre sur deux Eglises en signe d’unité

Or pour nous, qui sommes précisément du dernier type, il s’agit bel et bien de passer du statut de foyer mixte à celui de famille interconfessionnelle…

Pasteur Jean-Baptiste Lipp