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Verre d’eau ou cocktail ?

UNE CONTRIBUTION “SHAKER” AU DIALOGUE OECUMÉNIQUE

Il y a l’oecuménisme de (grand)-papa, dont on dit qu’il traverse un hiver glacial, et l’oecuménisme des jeunes d’aujourd’hui, dont j’aime à rappeler la vitalité.

Le premier ressemble à un banal verre d’eau, le second à un étonnant cocktail de fruits.

Je m’explique. Lors du premier mouvement de l’oecuménisme, celui dans lequel s’inscrivent la plupart des initiatives prises pendant le XXe siècle, notamment depuis les années 70, on cherchait l’unité par un mouvement qui faisait disparaître les différences. Comme une équipes de scientifiques rechercherait l’eau pure, l’absolue transparence, la totale absence de goût parasite, les Eglises ont gommé tour à tour toutes leurs spécificités pour se fondre de manière toujours plus parfaite les unes dans les autres.

C’est l’époque où l’on a “épuré” tous nos rituels oecuméniques : il ne fallait pas dire tel ou tel mot, cela offenserait les catholiques, il ne fallait pas faire tel ou tel geste, tel ou tel signe, éviter tel ou tel objet, cela choquerait à coup sûr les frères et soeurs de la Réforme. Il fallait célébrer, bien évidemment, en blanc et sans aucun autre signe distinctif.

Nous sommes au XXIe siècle, n’en déplaise à certains. Et la théorie du verre d’eau a du plomb dans l’aile. Nous savons aujourd’hui que le mouvement oecuménique se nourrit des différences de l’autre et qu’il gagne à ne pas les gommer, mais au contraire à les connaître, à les découvrir, à se laisser interroger par elles, à les admirer. Cela me fait penser à un cocktail multicolore. Ces ensembles fruités que l’on nous fait goûter en nous mettant au défi de retrouver tous les ingrédients qui ont formé ce bel ensemble, cette belle unité de goûts si différents, au départ.

Une célébration oecuménique, aujourd’hui, peut être présidée par un prêtre à étole colorée, par un pasteur en robe noire. On peut faire un signe de croix au début, un geste de bénédiction à la fin, y écouter une véritable prédication réformée, y inclure une prière d’illumination, et se laisser rejoindre par tant d’autres de nos spécificités.

Il me semble tellement plus intéressant de goûter à tous ces fruits avec la jubilation des bons vivants qui savourent les différences, plutôt que d’avaler un verre d’eau avec l’air un peu pincé et la tête penchée de celles et ceux qui semblent nous dire “c’est bien mais ce n’est pas encore ça”…

En somme, dans le verset-phare de l’oecuménisme “Que tous soient un” (Jean 17,21a), à force d’accentuer le mot “un”, on a fini par oublier peu à peu le mot “tous”…

Alors à nos cocktails ! Et n’oublions pas de secouer un peu, ça mélange…

Abbé Vincent Lafargue